Qu’est ce qu’une convention de forfait en heures au sens de l’article L3121-56 du code du travail ?
Depuis l’ordonnance du 22 avril 2020, cet article du code du travail suscite bien des convoitises et met en difficultés de nombreux conseils. L’article 7 de cette ordonnance [Lien vers l’article] précise que « pour les salariés ayant conclu, avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, une convention individuelle de forfait en heures au sens des articles L. 3121-56 et L. 3121-57 du code du travail incluant des heures supplémentaires et pour les salariés dont la durée de travail est supérieure à la durée légale en application d’une convention ou d’un accord collectif de travail conclu avant cette même date :
1° La durée stipulée au contrat pour les conventions individuelles de forfait ou la durée collective du travail conventionnellement prévue est prise en compte en lieu et place de la durée légale du travail pour l’application du troisième alinéa du I de l’article L. 5122-1 du même code ;
2° Il est tenu compte des heures supplémentaires prévues par la convention individuelle de forfait en heures ou par la convention ou l’accord collectif mentionnés au premier alinéa pour la détermination du nombre d’heures non travaillées indemnisées. »
En d’autres termes, les heures supplémentaires des salariés sont indemnisées et prises en charge par l’Etat en cas d’activité partielle mais uniquement si elles résultent d’un accord collectif ou d’une convention de forfait-heures au sens de l’article L3121-56 du Code du travail.
Si chacun sait ce qu’est un accord collectif, la définition de la convention de forfait en heures est plus subtile puisque cet article du code du travail dispose que « tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois » sans pour autant donner la définition de ce forfait.
Aussi, en présence d’heures supplémentaires structurelles contractuelles, suis-je nécessairement en présence d’une convention de forfait en heures ? La réponse n’est pas si certaine.
La clause de forfait hebdomadaire ou mensuel en heures consiste à fixer globalement le nombre d’heures de travail que le salarié doit effectuer chaque semaine ou chaque mois sans, pour autant, fixer la répartition de ces horaires. Ce forfait permet ainsi de faire varier le nombre d’heures de travail d’une journée à l’autre et de mettre en place un véritable horaire individualisé échappant aux modes de répartition collectifs de la durée hebdomadaire. Ce forfait permet également de faire varier le nombre d’heures de travail d’une semaine sur l’autre en fonction de la charge de travail. Les heures supplémentaires ne se décomptent plus nécessairement à la semaine mais à la fin du mois (en présence d’un forfait heures mensuel).
Pour être valable, ce forfait doit réunir 3 conditions :
– Avoir l’accord écrit du salarié ;
– Préciser le nombre d’heurs inclus dans le forfait ;
– Prévoir une rémunération au moins aussi avantageuse pour le salarié que l’application du régime légal des majorations pour heures supplémentaires ;
Cette convention doit également respecter, le cas échéant, les conditions posées par un accord collectif statuant sur ce point.
L’accord écrit du salarié
La jurisprudence nous dit que ce forfait ne peut résulter d’un simple usage de l’entreprise (Cass. Soc, 31 mars 1998, n°96-41878). Pour autant l’exigence d’un écrit matérialisant l’accord du salarié s’applique uniquement pour les conventions conclues à partir du 22 août 2008 (Cass. Soc, 26 mars 2008, n°06-45990 ; 31 janvier 2012, n°10-17593).
Pour les conventions antérieures au 22 août 2008, la Cour de cassation nous explique que l’affichage dans l’entreprise d’un horaire de travail supérieur à la durée légale permet de considérer que l’exécution d’heures supplémentaires y est prévue d’avance et que la rémunération forfaitaire du salarié résulte d’une convention de forfait entre lui et son employeur (Cass. soc. 5-2-1959 n° 5663). Attention néanmoins, la lecture de cet arrêt a été précisé par la suite. La seule référence à l’horaire collectif de l’entreprise ne suffit pas à caractériser une convention de forfait (Cass ? soc, 3 décembre 2003, n°01-44041), il faut que cette référence soit reprise dans le contrat de travail, qu’elle soit supérieure à la durée légale et que la rémunération du salarié soit supérieure à celle qu’il aurait dû percevoir compte tenu de l’application des majorations pour heures supplémentaires (Cass. Soc, 5 mai 2004, n°01-43918).
Ce point est extrêmement important puisque l’employeur peut valablement se prévaloir de l’absence d’écrit d’absence d’existence d’une convention de forfait (Cass. Soc, 4 novembre 2015, n°14-10419). De même, il est de jurisprudence constante qu’à défaut d’écrit, le salarié n’a aucun droit acquis aux heures supplémentaires fussent-elles structurelles (Cass. Soc, 2 novembre 2005, n°03-47679). Par ailleurs, la rédaction du contrat est extrêmement importante puisque la Cour vient également nous préciser que présence d’un contrat ni clairs ni précis, il revient au juge d’interpréter les dispositions contractuelles, interprétation pouvant conduire à reconnaître la valeur simplement informative des heures supplémentaires mentionnées au contrat (Cass. Soc, 10 mars 1998, n°95-44842).
De la rédaction du contrat résultera l’existence ou non d’une convention de forfait en heures au sens de l’article L3121-56 du Code du travail.
La précision du nombre d’heures forfaitaires
Pour être valable, le nombre d’heures correspondant au forfait convenu par les parties doit être déterminé à l’avance et ce volume d’heures prévu par la convention doit être fixé à un niveau compatible avec la réglementation applicable en matière de durée du travail. Ainsi, sachant que les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel doivent être soumises à l’avis du comité social et économique, le nombre d’heures prévu dans la convention de forfait doit respecter ce contingent.
Il convient également de se rappeler que la Cour de Justice de l’Union Européenne estime que les heures supplémentaires s’imposent au salarié uniquement si ce dernier a été informé par écrit (CJCE, 8 févr. 2001, aff. N° C-350/99), et ce par référence à la directive européenne du 14 novembre 1991 (Dir. cons. CE no 91/533, 14 nov. 1991).
La seule fixation d’une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d’heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait (Cass. Soc, 3 mai 2011, n°09-70813). Ceci a d’ailleurs été rappelé récemment par la Cour de cassation : une convention de forfait doit prévoir le nombre d’heures supplémentaires inclus dans la rémunération (Cass. Soc, 9 mai 2019, n°17-27448).
Aussi, la fixation par le contrat de travail d’une rémunération mensuelle fixe forfaitaire pour 169 heures caractérise une convention de forfait de rémunération incluant un nombre déterminé d’heures supplémentaires (Cass. Soc, 6 juillet 2016, n°14-18195).
La rémunération
Ce point est également essentiel pour déterminer une convention de forfait. La validité d’une convention de forfait suppose que soit assurée au salarié une rémunération au moins égale à celle qu’il aurait perçue en ajoutant à sa rémunération de base les majorations légales pour heures supplémentaires. Après avoir constaté que ni le forfait d’heures ni le salaire de base n’étaient précisés, une cour d’appel en déduit à bon droit que la convention de forfait ne pouvait être retenue (cass. Soc, 8 juin 2000, n°08-41634). A l’inverse, ayant relevé que le salarié percevait une rémunération calculée sur la base d’un temps de travail calculé sur 186 heures et que sa rémunération était, compte tenu de son coefficient, au moins équivalente à ce à quoi il pouvait prétendre au titre de la rémunération des heures accomplies dans le cadre de l’horaire normal de travail majorée de la rémunération des heures supplémentaires décomptées, la cour d’appel a pu considérer que le salarié était rémunéré selon un forfait (Cass. Soc, 30 octobre 1996, n°94-45192).
Néanmoins, en l’absence de détermination du nombre d’heures supplémentaires inclus dans une rémunération forfaitaire, une convention de forfait peut néanmoins être caractérisée, dès lors que le contrat de travail détaille les horaires de travail, que le salarié a eu connaissance de ces horaires et que la rémunération qu’il a perçue était au moins égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir augmentée des heures supplémentaires (Cass. Soc, 13 juillet 2005, n°03-47603) ou dans le même sens la Cour d’appel ayant constaté que des relevés mensuels signés par le salarié faisaient mention de 39 heures hebdomadaires et que le salaire était supérieur au minimum en vigueur augmenté de la majoration prévue pour les heures supplémentaires, a pu en déduire l’existence d’une convention de forfait (Cass. Soc, 18 juin 2015, n°13-24110).
En conclusion
Les diverses jurisprudences permettent de définir les contours d’une véritable convention individuelle de forfait qui peut être reconnue du moment que l’ensemble des critères légaux sont réunis. Il convient néanmoins d’être en alerte puisqu’une jurisprudence ancienne précise que « la circonstance que le bulletin de paie ventile en ses divers éléments la rémunération du salarié et dissocie notamment la rémunération des heures supplémentaires de celle des heures de travail normales contredit l’existence du forfait général de salaire invoqué par l’employeur » (Cass. Soc, 29 avril 1971, n°70-40027). Or, compte tenu de la défiscalisation et de la désocialisation des heures supplémentaires, même en présence d’une convention de forfait, les bulletins de paie dissocient les éléments afin d’en favoriser le juste traitement social et fiscal. Il serait fâcheux que l’application pratique d’une loi permette de tenir en échec l’application d’une autre loi.
Aussi, une rédaction précise s’impose et il convient d’indiquer les éléments suivants afin d’éviter d’éventuels litiges.
Il convient essentiellement de :
- préciser que le salarié concerné relève des dispositions de l’article L. 3121-55 et suivants du code du travail ;
- rappeler les spécificités d’exercice des fonctions qui justifient le recours à ce forfait ;
- mentionner le nombre d’heures hebdomadaire ou mensuel que le salarié doit effectuer ;
- s’assurer que la classification du salarié est strictement conforme aux fonctions qu’il occupe afin de comparer avec justesse et précision le salaire forfaitaire versé salarié au salaire conventionnel applicable augmenté des heures supplémentaires majorées.
Vous trouverez dans la partie « outils » de ce site un modèle de clause de forfait mensuel en heures.
Bonsoir Donc si dans un contrat de travail il est indiqué que le salarié effectue 39h par semaine soit 35h et 4h supp par semaine soit 169h mensualisees peut on parler de convention d’heures?
Bonjour Marion,
Il me faudrait la clause complète pour répondre à votre question.
Merci
Bonjour,
Merci pour ce travail pédagogique.
Cela revient à dire que si le salarié est au 37h + 12 JRTT l’année, il convient de retenir la durée légale pour calculer tant le taux horaire que le nombre d’heures indemnisables?
Merci par avance et très cordialement,
Bonjour,
Au vue des différents jugements, peut on considérer qu un salarié est en convention de forfait lorsque l on note dans le contrat de travail que l horaire de travail du salarié est fixé à 39h hebdomadaire
Et que sa rémunération est fixée à 12 euros brut de l heure ( le taux horaire correspondant bien à sa classification)
Et sachant que les bulletins de paie sont calculés avec 151.67h de base et 17.33h supp a 125 % ?
Bonjour,
J’ai un contrat en CDI de 39h/semaine. Ce contrat équivaut t’il a une convention individuelle hebdomadaire en heure? Si vous avez la réponse, pouvez vous me donner les articles de loi auxquels se référer.
Merci d’avance pour votre réponse
Cordialement
Félix