Pour donner suite aux annonces du Président de la République le 16 mars à 20 h 00, le décret sur le confinement est naturellement tombé dans la nuit.
Toutefois ce décret n°2020-260 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041728476&categorieLien=id) fait peser une responsabilité supplémentaire sur les employeurs dont ces derniers se seraient bien passés.
En effet le décret en question nous indique qu’ « afin de prévenir la propagation du virus covid-19, est interdit jusqu’au 31 mars 2020 le déplacement de toute personne hors de son domicile à l’exception des déplacements pour les motifs suivants, dans le respect des mesures générales de prévention de la propagation du virus et en évitant tout regroupement de personnes :
1° Trajets entre le domicile et le ou les lieux d’exercice de l’activité professionnelle et déplacements professionnels insusceptibles d’être différés ;
2° Déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur le fondement des dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique »
L’attestation de déplacement dérogatoire indique, quant à elle, que les déplacements doivent rentrer dans le cadre suivant (file:///C:/Users/amand/Downloads/Attestation_de_deplacement_derogatoire.pdf ) :
- Déplacements entre le domicile et le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, lorsqu’ils sont indispensables à l’exercice d’activités ne pouvant être organisées sous forme de télétravail (sur justificatif permanent) ou déplacements professionnels ne pouvant être différés ;
- Déplacements pour effectuer des achats de première nécessité dans des établissements autorisés ;
Sans s’appesantir sur les risques de non-respect des consignes lorsqu’une attestation sur l’honneur suffit, force est de constater que la liste des activités encore permises par l’arrêté du 15 mars 2020 reste longue (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041723302&categorieLien=id ).
La liste des activités autorisées dudit arrêté vise par exemple les commerces de détail d’équipements de l’information et de la communication en magasin spécialisé, les commerces de détail d’ordinateurs, d’unités périphériques et de logiciels en magasin spécialisé ou les commerces de détail de matériels de télécommunication en magasin spécialisé (exceptions logiques lorsqu’on veut tendre au télétravail). Cependant, dans le même temps, les opérateurs de téléphonie informent leurs abonnés que les boutiques sont fermées.
De même lorsque nous contactons différentes enseignes afin de s’assurer de leur ouverture, la plupart d’entre elles ont le droit d’ouvrir mais préfèrent rester fermées.
Nous pourrions nous en réjouir et se dire qu’enfin le pays a pris la mesure de l’ampleur de l’épidémie, qu’enfin le principe de précaution est appliqué mais même s’il faut se réjouir de toutes les actions menées pour endiguer cette pandémie, il convient de s’interroger sur les conséquences pour les employeurs.
Ces derniers doivent décider seuls en leur âme et conscience de continuer ou non leur activité.
- S’ils préfèrent suspendre leur activité en vertu du principe de précaution
- Ils vont placer en activité partielle leurs collaborateurs qui aurait pu travailler. Ils vont donc faire perdre de la rémunération à leurs salariés et peut-être les mettre en difficultés ; si ces derniers peuvent le comprendre à l’instant T, il en sera probablement tout autre à T+1 ;
- Ils vont aussi (et malheureusement) engendrer le mécontentement d’une partie de leur clientèle ne comprenant pas pourquoi ils sont fermés alors qu’ils peuvent être ouverts. Ces clients privés de leurs droits de se rendre dans ce type de commerce pourraient choisir de se rendre après la crise chez des concurrents, entraînant une baisse de chiffres d’affaires à long terme ;
- Ils vont aussi devoir faire face aux risques d’impossibilités de s’approvisionner. Par exemple, les boulangeries peuvent rester ouvertes mais si elles choisissent toutes de fermer par précaution c’est l’impossibilité pour les gens de se fournir en pain. Et c’est également vrai pour les bureaux de tabac, les stations-services, les supermarchés … Toutes ces enseignes ont l’autorisation d’ouvrir, elles n’en ont pas l’obligation.
- S’ils préfèrent maintenir l’activité
- Les employeurs maintenant l’activité seront exposés à la gestion d’un absentéisme sans précédent risquant de fragiliser l’activité (absentéisme dû à la fermeture des écoles, aux gens réellement malades et à ceux qui auront peur de venir travailler) ;
- Ils seront exposés aussi aux reproches d’une partie de leur personnel, et, s’ils en sont dotés, de leurs représentants du personnel, ne comprenant pas pourquoi l’activité perdure dans ces conditions;
- Ils devront se montrer extrêmement vigilants en matière sur le respect des règles « barrières » et sur les mesures prises en place pour la protection des salariés faute à engager leur responsabilité au titre de leur obligation de sécurité de résultat ou du droit de retrait des salariés.
Que l’employeur maintienne ou non son activité lorsqu’il y est autorisé, il n’y aura de toute façon aucune bonne décision. Lorsque l’on songe à la solitude du chef d’entreprise, il eut été plus aisé pour les pouvoirs publics, en lien avec chaque région, d’ordonner et de coordonner l’ouverture ou la fermeture de certains commerces sans laisser le choix aux entreprises et sans faire peser sur ces dernières la responsabilité des éventuelles conséquences … Les mesures d’accompagnement économiques sont indispensables mais ne sont pas les seules dont les entreprises ont besoin.
A défaut d’une telle décision politique, il semble utile que les entreprises découvrent ou redécouvre les vertus de la négociation collective et des échanges avec leur personnel. Si seul on va plus vite, ensemble on va plus loin et il nous semble indispensable de prendre les décisions en concertation avec l’ensemble du personnel de l’entreprise ou leurs représentants lorsque les entreprises en sont dotées. En effet, l’employeur doit mettre à jour son DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels), avec les mesures de préventions adaptée à la crise. De plus, il est fortement conseillé de présenter son plan de continuation de l’activité au CSE s’il existe, afin de démontrer aux partenaires sociaux que les mesures de prévention, ainsi que d’adaptation nécessaires sont adoptées.
Enfin, en cas de recours à l’activité partielle, ou de changement dans l’organisation du travail (notamment dans les horaires de travail), la consultation du CSE est requise. Elle peut être opérée sous la forme d’une réunion extraordinaire, et sous forme de visioconférence pour pallier à l’urgence de la situation.
En tout état de cause, l’implication forte des partenaires sociaux parait essentielle, pour ne pas risquer d’ajouter une crise sociale à la crise sanitaire et économique.
Enfin, communiquer de manière régulière, transparente et ouverte avec les salariés est l’une des clés de la gestion de la crise pour les employeurs.
Rétroliens/Pings