Le coronavirus est en France et même si le taux de mortalité reste faible, le risque épidémiologique est bien présent.
Aussi, faisons le point sur les règles en vigueur et les solutions possibles pour en limiter l’impact.
D’un point de vue organisationnel
Lorsque c’est possible, il convient de limiter au maximum les déplacements des salariés. Les entreprises ayant développé le recours au télétravail seront ainsi potentiellement moins affectées que d’autres car leur activité pourra continuer. De nombreuses missions, notamment administratives, peuvent être exercées en télétravail pour peu que l’entreprise fasse le choix de la confiance et accepte sa mise en place.
Le télétravail peut être mis en place :
– soit dans le cadre d’un accord collectif,
– soit dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur (après avis du CSE, s’il existe).
En l’absence de charte ou d’accord collectif, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen. En principe, le recours au télétravail suppose l’accord des deux parties mais le risque épidémiologique peut justifier le recours au télétravail sans l’accord du salarié (article L.1222-11 du code du travail).
Finalement, en plus d’être plébiscité par les salariés, le télétravail peut permettre de faire face aux risques épidémiologiques, météorologiques ou sociaux comme en cas de grève. Sans pouvoir en généraliser le recours, certains métiers ne pouvant s’exercer en télétravail, ce sujet présente néanmoins un intérêt pour de nombreuses entreprises.
Cependant lorsque les missions du salarié ne peuvent être effectuées en télétravail, il convient de se rappeler que l’employeur a une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de la santé de ses salariés. Il doit donc tout mettre en œuvre pour protéger leur santé. Cela passe par l’émission de notes de service rappelant les consignes gouvernementales pour limiter la propagation du virus (ne pas se faire la bise ni se serrer la main pour se saluer, parler à bonne distance l’un de l’autre, tousser dans sa main ou dans son coude et se laver les mains fréquemment) accompagnées de la mise à disposition de ses collaborateurs de masques, de gants, de savon ou de gel hydroalcoolique, selon les consignes du Ministère. L’employeur pourrait être tenu responsable des conséquences d’une contamination s’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger ses salariés.
C’est aussi l’occasion de s’interroger sur la mise à jour du document d’évaluation des risques professionnels : est-il à jour ? Est-il complet ? Le risque épidémiologique est-il prévu ? En effet, indépendamment du coronavirus, on assiste chaque année à des épisodes plus ou moins importants de grippe ou de gastroentérite …
D’un point de vue financier
Il convient de distinguer quatre cas distincts.
– Cas 1 : le placement du salarié ou de sa famille à l’isolement
Certains salariés ou leurs enfants peuvent être placés en quarantaine préventive pendant 14 jours minimum face au risque épidémiologique lié au coronavirus. Dans cette situation, le salarié ne peut pas se rendre sur son lieu de travail, bien qu’il ne soit pas malade.
Si le salarié est officiellement mis en isolement pour une période de 14 jours par un médecin habilité par l’Autorité régionale de santé (ARS), il bénéficie d’un arrêt de travail délivré par ce médecin, quand bien même il n’est pas malade (décret 2020-73 du 31 janvier 2020, JO 1er février 2020 ; circ. CNAM 2020-9 du 19 février 2020). Il percevra des indemnités journalières de sécurité sociale de maladie sans carence pendant 20 jours au maximum.
Ce versement d’indemnités journalières de la part de la sécurité sociale induit l’obligation pour l’employeur de verser un complément de salaire conformément aux dispositions conventionnelles ou légales en vigueur. Le décret du 4 mars 2020 supprime le délai de carence légal de 7 jours, en imposant aux employeurs de verser l’indemnisation complémentaire dès le premier jour d’arrêt de travail lié à une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile. Le décret du 4 mars 2020 ne touche pas aux autres conditions du maintien de salaire du code du travail (ancienneté, délai pour transmettre l’arrêt de travail…).
Ce point est important car le code du travail prévoit un complément de salaire à hauteur de 90% du salaire brut pour tous les salariés ayant au moins un an d’ancienneté pendant 30 jours (pour la 1ère tranche). Compte tenu du régime social des indemnités journalières de sécurité sociale, il est probable que 90% du salaire brut soit supérieur à 100% du salaire net, aussi il convient de redoubler d’attention pour ajuster correctement la paie du salarié qui serait concerné par cette mesure et de comparer le complément de salaire légal avec celui conventionnel afin de retenir le plus favorable.
Cette règle est valable non seulement lorsque le salarié est personnellement placé en isolement mais aussi lorsque c’est son enfant qui fait l’objet de la mesure d’isolement. Le salarié bénéficie alors des mêmes droits et, par conséquent, l’employeur devra lui verser des indemnités complémentaires si le salarié en remplit par ailleurs les conditions (« Covid-19 », 28 février 2020, Q/R 16). Le 3 mars 2020, l’assurance maladie a mis en place une procédure simplifiée qui permet aux parents concernés de se faire prescrire un arrêt de travail sans passer par l’ARS.
Attention : cette procédure ne peut être utilisée que lorsque le parent n’a pas d’autre choix que de bénéficier d’un arrêt de travail pour pouvoir garder un enfant de moins de 16 ans confiné. Concrètement, le salarié concerné doit se rapprocher au préalable de son employeur et examiner les solutions possibles, comme le télétravail par exemple.
Si le salarié répond aux conditions requises et qu’il n’y a pas d’autre possibilité, il pourra bénéficier d’un arrêt de travail indemnisé afin d’assurer la garde de son enfant, sur simple déclaration de son employeur. Pour ce faire, l’employeur devra se connecter sur le téléservice « https://declare.ameli.fr » et déclarer, via un formulaire, les salariés qui doivent être placés en arrêt de travail indemnisé pour ce motif. L’employeur recevra un mail en retour confirmant sa déclaration. Il procèdera ensuite aux formalités classiques comme pour tout arrêt de travail.
Attention donc : les pouvoirs publics subordonnent la délivrance de ce type d’arrêt de travail spécifique à 4 conditions :
– L’enfant doit avoir moins de 16 ans au jour du début de l’arrêt de travail ;
– Il doit s’agir soit d’un enfant scolarisé ou accueilli dans un établissement fermé, soit d’un enfant résidant dans une zone de circulation du virus, scolarisé en dehors de cette zone, mais auquel on a demandé de ne pas aller à l’école ;
– Le salarié doit attester sur l’honneur être le seul parent (ou détenteur de l’autorité parentale) à bénéficier d’un arrêt de travail pour ce motif. Un seul parent peut en effet bénéficier d’un arrêt de travail à ce titre.
– L’arrêt de travail doit être la seule solution possible. Si le télétravail est possible, cette solution doit être privilégiée.
L’employeur qui a recours à cette procédure pourra être contraint, dans le cadre de contrôles, de démontrer en quoi le télétravail est impossible au sein de sa structure. Ce qui peut entraîner une charge de travail supplémentaire pour les entreprises dans une période qui risque de connaître un taux d’absentéisme record…
– Cas 2 : l’employeur demande au salarié de rester chez lui
Si, hors des cas évoqués ci-dessus, l’employeur demande à un salarié de rester chez lui sans possibilité de télétravail afin de limiter les risques de propagation, il dispense alors son salarié d’effectuer sa prestation de travail. Dans cette hypothèse, l’employeur doit maintenir sa rémunération. Là aussi, il peut être opportun de réfléchir à des modes d’organisation du temps de travail plus souples que la référence hebdomadaire, notamment l’annualisation du temps de travail permettant de compenser des périodes de fortes activités par des périodes de plus faible activité et inversement …
– Cas 3 : le salarié s’absente de son propre chef
Enfin, si le salarié est absent de son propre chef sans demande de l’employeur ou sans que son confinement ait été ordonné par l’ARS, il est en principe en absence traditionnelle non rémunérée. La retenue pratiquée sur le salaire doit alors être exactement proportionnelle à la durée de l’absence. Le cas échéant, l’employeur pourrait en outre sanctionner le salarié, s’il estime que l’absence, injustifiée, ressort du droit disciplinaire.
Il convient néanmoins dans un contexte épidémiologique d’aller de façon très mesurée sur le terrain disciplinaire car l’attitude de l’employeur pourrait rapidement le lui être reprochée.
Le salarié pourrait, en effet, invoquer son « droit de retrait ». Or, si un salarié exerce un droit de retrait en raison d’un « danger grave et imminent pour sa vie ou santé », non seulement il n’encourt pas de sanction mais son absence est rémunérée (articles L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail).
Cela suppose cependant que l’exercice du droit de retrait ne soit pas abusif. S’il est abusif, l’employeur peut effectuer une retenue sur salaire, voire sanctionner le salarié.
A cet égard, les pouvoirs publics ont précisé que dès lors qu’un employeur suit les recommandations sanitaires du gouvernement (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus), un salarié ne peut pas a priori invoquer le droit de retrait au seul motif qu’un de ses collègues revient d’une zone à risque ou a été en contact avec une personne contaminée, en l’état des connaissances épidémiologiques à ce jour (« Covid-19 », 28 février 2020, Q/R 8).
– Dans tous les cas : la possibilité de recourir à l’activité partielle
Enfin, l’employeur qui voit son activité diminuer compte tenu de la situation épidémiologique ne doit pas hésiter à faire une demande de mise en activité partielle de ses salariés. Cela lui permettra de limiter l’impact financier lié à la baisse d’activité sans recourir aux licenciements pour motif économique de son personnel.